Je lisais un livre... Le langage des signes. Je n'arrivais plus à parler, juste à aligner deux ou trois pensées cohérentes. Ça faisait une heure environ que j'étais adossée au mur, essayant de décrypter le livre, reproduisant les gestes au fur et à mesure avec mes mains. Je fermai le livre et reproduisais ce dont je me souvenais. J'avais toujours (du moins je pense, elle ne pouvait pas être arrivée par hasard (quoi que, avec ma voix...)) eu une grande mémoire. Les livres, je les adorais. D'ailleurs, il y avait toujours ce livre d'auteur inconnu... Je l'avais lu, relu et rerelu, je trouvais la fin bizarre... Et après plusieurs relectures, l'idée me vint que le livre était inachevé. Une porte ouverte au rêve!

Mais je me concentrai vite sur mon livre du langage des signes... Celui-ci, c'était le psy qui me l'avait prêté après avoir écourté la séance parce que je n'arrivais pas à parler... Tout juste un grognement, un râle sourd, et encore. En attendant d'être mieux diagnostiquée, j'étais officiellement aphone. Je sentis les larmes monter, je vis mes mains trembler. Une folle croisée handicapée mentale... Curieux mélange... Horrible, surtout... Autant pour moi que pour ceux qui m'entoure.

Je me levai, veillant à ce que ma robe rouge sang et noire ne fasse aucun bruissement pour ne pas briser le silence pesant du couloir vide... Je réajustais mon collant, remettais mes chaussures que j'avais enlevées pour me sentir plus à l'aise. Je tremblais toujours comme une démente. Je me précipitais vers le bout du couloir en courant, ayant une subite peur de se qui pouvait se cacher dans mon dos, serrant le livre contre ma poitrine.

Enfin, j'atteignis le bout du couloir. Mais où étais-je? Je... J'étais perdue! Perdue dans ce dédale... Je me précipitais à travers les couloirs désert, dont certains remplis de poussière et de toiles d'araignées, et enfin, je tombai sur une artère ou il y avait quelques personnes... Ouf, la sortie n'était plus loin. La tête baissée, j'avançai rapidement. je ne voulais pas leur parler, j'étais folle. S'ils me parlaient, ils risquaient... Que risquaient-ils? Eh bien... Que j'en fasse des amis... Des amis dans un lieu pareil? Non... Sûrement pas...

Soudain, je heurtais quelque chose: un mur? Non, probablement pas, mais sous la violence du coup, je me retrouvais les fesses par terre, mon livre toujours serré contre moi. Je relevai la tête et la première chose que je vis furent ces longs cheveux couleur du soleil et des blés... Qu'ils étaient longs... En remontant encore, je vis le visage doux et les yeux noisettes de celui que j'avais heurté...

Je... J'étais morte?L'homme en face de moi avait de magnifiques cheveux blonds qui ondulaient doucement, un visage si doux... Une peau de lait, celle d'une poupée de porcelaine... Une poupée que l'on ne peut pas se retenir de tripoter, de la voir sous tous les angles possibles et imaginables. Il avait des yeux noisettes, où brillait une lueur de sympathie, et peut-être même de compassion... Cette homme était-il patient ici, à Epsway? Si oui, pourquoi? Et est-ce qu'il était fou, comme moi? Pire que moi? Mieux que moi? Ou alors, peut-être étais-il simplement employé ici... Un employé si beau? Impossible... J'en conclut qu'il ne pouvait être qu'Apollon. j'étais donc belle et bien morte et mon âme allait remontée au ciel avec ce gentlemen... Et qui sait, peut-être que je pourrais parler là-bas?

Il me tendit une main, que j'acceptais de bon cœur. Je la serrai et je m'en aidai pour me relever... J'avais mal atterrit sur le bassin, et mon os était légèrement douloureux. Mais à vrai dire, seul la personne en face de moi comptait. Elle m'attirait, me fascinait autant qu'elle me faisait peur, m'effrayai... Cette homme avait une carrure impressionnante! Quand moi, j'avais été repoussée en arrière et avais atterrit sur le sol, lui n'avait pas bouger d'un poil... Et autre chose qui me faisait froid dans le dos... Cet homme était entièrement recouvert par du noir, hormis son doux visage: pas un seul cm² de peau n'était visible... T-Shirt noir, veste noire, gants noirs, pantalon noir, chaussures noires... C'était toute cette noirceur qui m'effrayait le plus...

Quoi qu'il en soit, j'époussetais ma robe et repris mon livre. Je ne voulais pas lui parler, à lui non plus... Et s'il me savait folle, qu'allais-je faire? Quoi que de toute façon, tout Epsway devait le savoir... Alors je tentais le tout pour le tout. Si c'était vraiment Apollon qui venait me chercher pour m'emmener, je devais savoir parler, vu que c'était mon rêve le plus cher. J'ouvris la bouche pour prononcer la parole d'usage courante quand on bouscule quelqu'un, le "pardon", mais il n'en sortit qu'un grondement rauque inaudible à plus d'un mètre de moi. Je rougis de honte. Je lâchai enfin la main de l'homme, baissais la tête et tournai les talons, sans pour autant trouver la force de déguerpir...

Non, j'étais bien prisonnière de ce cauchemar, il ne prendrait jamais fin... La seule chose qui était rassurante, c'était que cet homme se trouvait en chaire et en os devant moi... Enfin, là, il était plutôt dans mon dos... Je gardais mon livre contre ma poitrine et je voulus m'enfuir. Le problème: ma cheville craqua et je me retrouvai étalée par terre, le livre à plus d'un mètre de moi ayant glissé sur le sol... En plus de ne pas savoir parler, je me ridiculisais en me vautrant littéralement par terre... Quelle honte, qu'elle incapable je pouvais faire...

Étalée par terre, je sentis les larmes monter... J'avais mal aux genoux, au menton, et surtout à la cheville... Je vis mon livre un peu plus loin, je voulus tendre le bras, mais avant que je ne puisse faire le moindre geste, je remarquai une chose: aucun éclat de rire... La situation aurait du en amuser plus d'un, mais là, rien... Je me mis à trembler, contenant tant bien que mal ses larmes. L'homme s'approcha, et me sourit. Je sentis les mains gantées de l'homme passer sous mes genoux et dans mon dos. Je profitai de ce court instant, seulement deux pas, pour coller ma tête contre son torse d'Apollon... Il était chaud, et l'espace d'une seconde, j'entendis son cœur battre. Quelle sensation exquise... J'avais ce que j'avais tant cherché... Un peu d'attention de la part de quelqu'un... Juste un peu d'attention, puis deux pas plus loin, le contact entre nos deux corps se rompis brusquement par mon assise sur le rebord de la fenêtre.

Je vis l'homme repartir... Il s'en allait en me laissant seule? Non... Il se baissa et ramassa mon livre. Il était souriant, il voulait sans doute me rassurer... Il posa le livre à côté de moi, et je sautais dessus pour pouvoir le prendre dans mes bras. je le serrai contre ma poitrine et était infiniment reconnaissante envers l'homme qui venait d'assister à ma chute comique sans rire, m'avais posé là, sur le rebord d'une fenêtre pour pouvoir me ramener mon livre parce que je ne sais plus parler... Même en entendant mon gémissement sourd, il n'avait pas bronché... Quoi que je m'étais peut-être retournée un peu vite, il avait sûrement au moins esquissé un sourire...

Il me détailla... Je soutenais son regard... Rien dans son attitude ne m'indiquait qu'il était hostile... Peut-être que fasciné serait un terme un peu fort, mais il me regardait bizarrement, et il avait l'air plongé dans ses pensées... Pourvue qu'il ne songe pas à me laisser seule ici avec mon livre pour seul compagnie et que je doive regagner ma chambre à pied avec ma cheville qui me faisait si mal...

Justement, en parlant de cheville, il s'agenouilla devant moi et leva les mains en signe d'excuses. J'étais curieuse de savoir ce qu'il allait faire... Jusqu'à ce qu'il effleure ma chaussure. Je me raidis d'un coup, accentuant la douleur lancinante dans ma cheville. Je le laissais enlever ma chaussure, mais je me mordais la lèvre inférieur et les larmes dégoulinaient sur mes joues, entraînant dans son sillage noir du mascara. J'étouffai aussi un râle de douleur qui, de toute façon, ne serait pas sortit de ma gorge. J'espérais une chose, que ma cheville ne soit pas cassée... Je ne voulais pas aller à l'infirmerie, comment aurais-je fais pour me faire comprendre? D'ailleurs, mon bel Apollon n'avait pas prononcé un mot depuis le début... Peut-être était-il comme moi? Je ne l'espérais pas pour lui...Je le laissai examiner ma cheville, un peu gênée...

L'homme déposa la chaussure à côté de lui, sur le sol. Je me maudissais intérieurement de pas être plus forte... Lui, j'en était sûre, n'aurait pas eu si mal pour si peut... Quand il leva la tête vers moi, je pus tout à loisir me plonger dans ses yeux noisettes... J'étais donc perdue dans son regard... Et je fus surprise quand sa main caressa ma joue, sûrement pour en retirer les sillons noirs parce qu'il fit de même de l'autre coté... Je me surpris a fermer les yeux et frotter doucement mes joues contre ses mains. Elles avaient l'air si douces, sous ces gants... Mais une chose m'intriguait: le collier qu'il portait autour du cou était bizarre...

Après ce bref câlinou de la main, il sourit. Un sourire d'excuses... Il allait encore me faire mal? Il prit mon mollet dans sa main, et tendit un peu ma jambe.Je m'efforçais de ne pas lui montrer ma douleur, mais mes phalanges serraient le livre encore plus fort et en devenaient blanches. Je fixai mon attention au collier pour oublier ma douleur. Lui aussi devait avoir mal, on aurait dit que l'objet de mon attention lui rentrai dans la peau... J'en fus convaincue au bout de quelques instants, c'était un patient et il avait fait quelque chose... Il remonta la tête après la courte inspection de ma cheville. Je pus de nouveau entrer dans son regard noisette qui me fascinait tant. Il parut longuement hésiter sur quelque chose... Ma cheville était-elle cassée?

-... Je suis Loïs.

Trois mots... Trois mots tout simples... Un sujet, un verbe, un complément. Alors pourquoi ces trois mots me faisait-ils autant d'effet? Loïs... Un nom peut courant que j'aimais bien. Je trouvais qu'il lui allait bien... Et soudain, je compris ce qui me dérangeait dans ces 3 mots... Je ne pourrais probablement jamais lui répondre... Je baissai la tête sur mon livre. Loïs... Même si son prénom avait été murmuré, elle l'avait entendue... Il avait un voix douce, couverte d'un léger accent. D'où venait-il, au fait?

Il me sourit et toucha mon tibia. Automatiquement, je me crispais, espérant silencieusement qu'il ne touchât pas ma cheville. Je fermai les yeux et attendis un peu, mais il ne se passa rien. Du coup, je pris la main de Loïs dans la mienne et avec ma main libre, j'écrivis mon nom en lettres capitales dans sa paume. A. N. G. E. L. Angel, voilà mon prénom, Loïs... Je me tortillais ensuite pour descendre du bord de la fenêtre. Je ne sentais plus ma cheville, c'est donc que ça allait mieux, non?

Je sentis un bras passer autour de ma taille pour me soutenir... Le bras de Loïs... Je glissai doucement au sol et me réceptionnai sur ma cheville intacte, m'aidant du bras de Loïs pour me soutenir. Je n'osai pas poser ma cheville au sol, et je jetai un regard à mon compagnon pour savoir ce qu'il en pensait... Rien ne m'indiqua qu'il était contre le fait que je pose le pied par terre. Je le fis donc et m'essayai à un premier pas... Au moment ou je basculai mon poids sur ma cheville endommagée, celle-ci céda sous le poids de mon corps; si Loïs ne m'avait pas maintenue, je serais de nouveau au tas.

Je serrai les dents, je ne voulais pas geindre devant lui. Et puis, de toute façon, il ne pourrait pas m'accompagner jusqu'à ma chambre, si? Ou alors au moins jusqu'à la porte d'entrée? Non, ce collier... On m'en avait plus ou moins parlé, il me semble... Ça reste très vague... Une histoire de level 1 et level 2, il me semble... Enfin, toujours était-il que je connaissait pas la signification du "level 1" et "level 2"... Que nous cachaient-il, dans cet établissement? Enfin, encore une autre hypothèse, j'ai mal entendu... C'était à mon arrivée ici, j'étais à moitié shootée par les médicaments et j'aurais pu avoir des hallucinations auditives. C'est tout à fait probable... Mais Loïs, qui était-il? D'habitude, lorsque que je croisais quelqu'un, il suffisait d'un rien, du moindre petit prétexte pour que je manquât de lui sauter à la gorge et de l'envoyer balader... Avec lui... Rien. En même temps, il ne m'avait pas laissé beaucoup de prétextes pour me mettre en colère... Sauf sa jolie voix qu'il cachait... Il en avait une, il devrait l'utiliser... D'un autre côté, c'était très poli de sa part, je me sentais moins seule, moins aphone. Il y avait d'autres moyens de compréhension, autre que le le langage courant: le langage des signe, le langage visuel, corporel,... Et je pensais que ce serait ces deux derniers qui allaient m'aider à comprendre Loïs... Je pensais bien qu'il n'allait pas déballer son histoire comme ça à une étrangère, qui plus est. Mais je voulais le comprendre, c'était la première fois que je ressentais pareil sentiment...

J'esquissais un deuxième pas... Je pris à peine une seconde pour passer mon poids de ma cheville blessée à l'autre. Je boitillais et ça faisait affreusement mal, mais j'arrivais encore à marcher. Dans le pire des cas, je pourrais toujours ramper pour remonter à ma chambre, ou sauter à cloche pied. Je me laissai conduire par Loïs sans mot dire, savourant son contact chaud et rassurant, noir et lugubre...

Loïs me guida jusqu'à un couloir bondé. Sa main sur ma taille s'était faite plus légère, moins oppressante. Je me mordais la lèvre inférieur à chaque pas tellement fort que j'avais le goût du sang dans la bouche, je m'étais probablement mordue trop fort. Je voulais avancer plus près de la foule, quoi que... Il s'agitaient dans tous les sens, ils risquaient de me bousculer... Et au moindre contact, soit je m'appuierais sur ma cheville, soit je tomberais, au risque de me faire piétiner... Mais il fallait que je rentre au bâtiment A.

La prise de Loïs sur ma taille se raidit; Je voulais avancer, pensant qu'il me protègerait, mais il ne voulait pas, lui... Il avait peur...? Peur de quoi? Ce n'était que quelques personnes... Mais la raideur se propagea et se qui me tenait souplement il y a quelques instants, celui qui suivait chacun de mes mouvements pour ne pas me gêner était devenu un bloc de marbre qui se refusait à avancer ou a bouger... Il ne voulait pas se mêler à cette foule... Il jeta un coup d'œil sur moi et détourna très vite les yeux. Il était gêné par quelque chose... Et je ne voyais qu'une hypothèse envisageable: il avait peur de la foule et ne voulait pas la traverser. Même s'il avait eu peur pour moi, il y serait entré, mais là, il refuse tout en bloc... Ce qui m'étonna, d'ailleurs... Loïs était grand et fort, et il avait peur de la foule? Pour certain, ça aurait été comique, mais pour moi, il avait une réelle phobie, ce qui peut être aussi handicapant que son manque de paroles.

-Désolé...

Désolé de quoi? Je lui sourit gentiment, et enlevait son bras de ma taille. J'allais rentrer seule, comme ça, il n'aurait pas à trancher. C'était moi qui avait pris ma décision. Je me dirigeais en titubant gauchement vers la foule grouillante, sans grande envie de me retrouver seule dedans. Je me retournais, adressai un signe de tête pour lui dire au revoir et m'aventurai dans la foule. Je me pris des coups de coude, de hanche, et quelqu'un (un médecin, je crois) me fit un méchant croche-pied alors qu'il voyait que je peinait à avancer.

-Saloperie de folle, dégage de mon chemin ou je t'écrase.

Je rampai contre un mur, mon livre serré contre ma poitrine. Au bout d'un moment, la foule s'en irait bien, il suffisait que je reste assise là, à attendre le bon moment. Je voulais me masser la cheville pour faire disparaitre la douleur, mais au moindre frôlement, elle grimaçai de douleur... Elle attendit sans bouger, regardant à droite et à gauche, attendant la brèche qu'elle espérait tant.

A chercher à droite à gauche du couloir, j'aperçus la tête blonde et les yeux noisette de Loïs. Mais... Il était partit, non? Que faisait-il dans la foule? Il avait vu un de ses amis? Oui, ça devait être ça, il avançait rapidement... Et pourtant, c'était moi qu'il ne perdait pas des yeux. En un rien de temps, il s'accroupit près de moi. je le regardais avec des yeux de merlan frit, je ne voulais pas qu'il traverse la foule, il en avait peur... Et moi aussi, d'autant que le médecin me lorgnait du coin de l'œil en parlant à un collègue, se qui eu pour but de me faire frémir d'anxiété.

Loïs me prit dans ses bras. Comme tout à l'heure, je collais ma tête à son torse, mais cette position confortable dura encore moins longtemps. Il essayait juste de me relever. Dans un minuscule grognement étouffé dans ma gorge et par la foule ambiante, je me relevai. Il m'indiqua la porte de sortie. Mais pourquoi? Le couloir était plus proche. Je vis Loïs s'agiter, il devait vraiment avoir peur de la foule. Je pris sa main dans les miennes. Je m'appuyais au mur avec mon épaule pour mettre un minimum de poids sur ma cheville. On approchait du cœur de la foule. Le médecin de tout à l'heure passa entre nous, brisant la chaîne de mes mains liées à celles de Loïs. Je détournai la tête pour voir ou il allai. Il avait quitté son ami et se dirigeai dans le couloir par là ou Loïs et moi étions arrivés. Juste un petit lapse de temps, mais suffisant pour perdre Loïs de vue. Il avait du continuer à avancer. Je me fis bousculer et je tombai par terre. C'était le si bon ami du médecin qui m'avait insulté; il me jeta un regard noir, et il mis son pied juste au dessus de ma cheville. Je paniquai...

-LOÏS!

Un cris de désespoir, le premier depuis mon arrivée qui réussit à sortir de ma bouche. Alerté, l'ami stoppa net son geste et fit comme si rien ne s'était passé, bousculant plusieurs personnes sur son chemin tant il était pressé. Je me relevai avant de me faire piétiner et avançai en titubant malgré mon appui au mur. Enfin la foule se clairsema et je vis Loïs, ou plutôt sa belle chevelure couleur d'or qui flottait dans son dos. Je le rejoignis aussi vite que possible. Je m'agrippai à sa main une fois qu'il fut a porté. J'étais soulagée...

J'ai eu une sorte de bug, l'espace d'un instant, quand Loïs me prit dans ses bras. C'était touchant...Quelqu'un m'avait enfin soutenu... Enfin... Mais lorsque je voulais lui rendre son étreinte, il me relâcha. Le bras ballant, je le laissais faire. Après tout, je n'étais qu'une étrangère pour lui... Aussi essayai-je de parler... De dire quelque chose, n'importe quoi... Mais ma voix restait obstinément coincée. Mon livre me glissa des mains, je l'abandonnais par terre.

Il prit ma taille dans ses bras et, me portant à moitié, nous allâmes dehors. Il s'adossa au mur, je m'assis contre, respirant à plein poumons l'air frais. Loïs ferma les yeux. Il les rouvrit après. Moi, je remontais mon genou gauche contre ma poitrine. J'appuyais dessus pour ne pas glisser, raison pour laquelle ma cheville droite n'aurait pas supporté. Mes bras enserrèrent ma jambe et mon front se posa sur mon genou. Ainsi cachée, j'essayai à nouveau de parler... Mon livre était à l'intérieur, mais je n'en voulais plus. Je n'étais PAS aphone. Je n'avais pas besoin de retenir ces choses compliquées. Je me redressais, le dos collé au mur, dans un état second. Les yeux à demi clos, je récitais des paroles d'une chanson latine dans ma tête. Mais mon esprit était loin de ce monde, loin de tout... Les paroles sortirent... Loin du monde... Je chantai... Loin d'Epsway... Ma voix, douce et mélodieuse... Loin de Loïs... Cette perspective me fit rouvrir les yeux d'un coup. Je n'avais plus de voix. Il fallait que je m'y fasse.

Je regardai Loïs: avait-il vu que je m'étais enfuit de mon corps, l'espace de quelques instant? Je soulevai un sourcil interrogateur, puis je remettais la tête sur mon genou. Plus de voix... A quoi elle ressemblait, avant? Qui est-ce que je pouvais être? Je cherchais la réponse à cette question. Je voulais me souvenir, je voulais tellement me souvenir... Je voulais voir à quoi ressemblait ma famille, si j'en avait eu une, savoir comment j'étais arrivée là, et pourquoi. La plupart des personnes ici sont saines d'esprit. A quelques exceptions prêt. Moi, on m'a tellement rabâchée que je l'étais que maintenant, j'y crois. C'est la seule chose de mon passé auquel je puisse me rattacher...

Je sentis sa main dans mes cheveux... Enfin, ça main... Plutôt son gant, on va dire. Mais c'était tout de même réconfortant. Il se voulait réconfortant, il me prenait peut-être pour une sœur? Enfin... Je sentais son gant glisser sur ma nuque, puis sur mon dos. J'en frissonnai. Il allait descendre jusqu'où comme ça? Ah non, il ne descendit pas plus bas... D'un certain côté, j'aurais bien aimé, mais de l'autre... Euh...

-Ne cherche pas à le trouver, il reviendra bien trop vite tu verras...

Je mis quelques secondes à comprendre de quoi il parlait. Comment savait-il, pour ma mémoire? Je ne lui avait rien dit, pourtant. Enfin, en même temps, je ne pouvais rien dire. Mais ses souvenirs, à lui, il les a? Ou il en est encore, comme moi, au stade de recherche? Ah l'entendre, il a toute sa tête ET ses souvenirs... Avant, il était fou comme moi? Quand il cherchait encore... Je relevai la tête et le regardai fixement, puis mon regard s'abaissa sur le collier.... Un étrange collier... Et cette histoire de level commençait à me donner mal au crâne... Sans m'expliquer ni pourquoi ni comment, je répondis à la caresse rassurante par un gros câlin. Je fis le tour de son torse avec mes bras, collai mon oreille et écoutai le cœur d'Apollon battre. Quand je réalisai la portée de mon geste, je reculai vivement, comme si on m'avait pincé.

A la place, je pris une main de Loïs. Ou plutôt, je pris son poignet. Et je glissai deux doigts entre le gant et la manche de la veste. Il était d'une chaleur rassurante et bienséante... Je fermai les yeux pour goûter à ce délice. Je caressais un peu le poignet, mais il m'en fallait plus... Je tirai sur le gant pour lui demander l'autorisation de l'enlever. je ne voulais rien lui faire de mal, juste voir sa peau autre part, voir si elle du même blanc laiteux de partout. J'en mourrais d'envie!

Un jeu dangereux? Que voulait-il dire par là? il était compliqué, et passablement torturé, mais je souris et le laissai aller à son rythme. Il enleva le gant. Il garda son bras près de lui encore quelques instants. Enfin, je pus voir le main; Elle était aussi belle que ce que j'imaginais... Quoi que non, plus belle encore que dans mon subconscient...Elles étaient tellement protégées dans ce gant. Je n'osais d'abord pas la toucher, puis je pris confiance en moi et pris sa main entre les deux miennes.

J'étais émerveillée. ses mains étaient si blanches... Comme si elles n'avaient jamais prit le soleil. Ses articulations étaient encore plus fantomatiques, il avait des doigts longs et fins... Et sa peau était tellement douce... C'était ce que je m'imaginais pour la peau d'un bébé... Toute douce, comme ça... C'était mignon tout plein! Je portai ses doigts près de mon nez et soufflai dessus. Ce jeu m'amusait bien! finalement, je m'en lassai et je me mis a examiner le dos de sa main. Avec mes pouces, je le massais doucement. Je vis une petite cicatrice sur sa peau si blanche... Elle éveilla ma curiosité. je m'imaginai tout un tas d'histoire pour que cette cicatrice soit là. Une fois ma curiosité rassasiée, je lui retournai la main et examinai ses lignes. Je les retraçaient du bout de l'ongle.

Je m'amusai bien, mais pourquoi ces mains grandes mains blanches, ces mains d'artiste, me semblaient-elles si familières? Soudain, j'arrêtai tout mouvement. Non... Ses mains, sur mon dos... Sur tout mon corps... Je fus envahie de sueurs froides. Des images défilaient devant mes yeux. je voyais les mains sur mon corps nu, les mains prendre un couteau, et les mains trancher une gorge... Les yeux dans le vagues, les images défilaient devant moi, floues. Un visage, puis plusieurs, tous flous, méconnaissables... Enfin je sortais de ma transe et observai Loïs, avec incrédulité.

Je regardais Loïs... Puis plus rien... Tout était noir et vide... Une lumière au loin... Je me dirige vers elle. Je cherche mon ami tout autour de moi, mais je ne vois rien...Je tends la main devant moi. Je ne la voie pas... La lumière s'approche, en un rien de temps, elle m'enveloppe, l'éblouie. Je ferme les yeux. Quand je les rouvre... Je pousse un hurlement inaudible... Devant-moi... Là... Loïs... Ses cheveux blonds virent à l'écarlate, sous lui, une marre de sang se forme. On l'emmène. Je sais qu'il n'est pas mort, j'ai entendu sa respiration... Un seul souffle dans le silence de ce monde de la mort. Ou je suis? Ils l'emmènent pour le guérir, hein? Le monde tourne autour de moi... La lumière m'éblouit encore... Dois-je rouvrir les yeux? Une force m'y oblige. Non, ce n'était pas possible, pas ça... Loïs... Est... Crucifié... C'est la pire des mort que je peux imaginer... Il n'est plus aucunement vêtu, de larges plaies balafrent son corps, signe qu'il s'est fait fouetter... A mort, cette fois...Les secondes durent longtemps, très longtemps... Je retiens mon souffle... Non, je ne l'entend plus...

-LOÏS!

Son crit de désespoir de tout à l'heure surgit d'on ne sait où, assourdissant après le silence de ce monde... Je tombe a genoux, me bouche les oreilles. Le cri traîne en longueur, reprend... Que m'arrive-t-il? Je regarde à nouveau la croix. Loïs vieillit, ses cheveux deviennent blancs et tombent en un tas sur le sol, tout ça va très vite. Loïs maigrit à vue d'œil, et bientôt, il ne reste que son squelette. Non, Loïs! Pas lui!

Je me réveillais, j'avais toujours les mains sur les oreilles mais le cri avait disparut... Loïs était là, bien vivant, en chaire et en os.... Mon Dieu... Loïs... Je met mes mains sur ma bouche, j'essaie d'étouffer le sanglot qui me prend à la gorge. Malheureusement, les larmes commencent déjà à ruisseler sur mes joues. Des larmes de peur, de chagrin à la vue de la mort qui pour moi est la pire, la vue de la décomposition du corps, et enfin, des larmes de soulagement, quand je le retrouve... Je me blottis contre Loïs... Mon ami...

Il tremblait... J'avais entendu cette petite phrase, ce "C'est ma faute"... Même si c'était lui qui avait provoqué les visions, je ne lui en voulais pas. Le plus important était qu'il soit en vie, là près de moi, sa longue chevelure ondulante poussée par un petit souffle de vent... Je lui repris la main gantée. Je tiraillais dessus pour l'enlever à nouveau, je voulais recommencer mes jeux et mes caresses, j'aimais ça... Même si elles me rappelaient les mains d'un autre, avant, je voulais pourvoir en faire mon joujou... Elles étaient si douce... Je l'interrogeais du regard pour savoir si je pouvais...

J'avais eu peur, peur comme jamais, depuis mon arrivée à Epsway... Peur pour Loïs... Je me rendais compte qu'il n'était plus vraiment mon ami, mais un peu comme un grand frère ou un mentor. Je pouvais me blottir dans ses bras sans qu'il ne m'insulte ou ne me blesse... C'était vraiment quelqu'un de gentil... Et même si c'était la première fois qu'on se voyait, je pensais bien que nous allions nous revoir, et qu'un lien s'était forgé entre nous. Non, je ne lui en voulais pas. Il a été là pour me sauver, aussi, me sauver du cauchemar, et se réveiller contre un corps tout chaud qui guète votre réveil, quoi de plus touchant? Oui, je l'aimais encore, et rien ni personne ne pourrait changer ça. Même pas lui. Je tiens à lui, c'est mon premier amis, le plus proche, je ne veux pas qu'il parte...

-Pars... Pas...

Je tenais sa main dans les miennes, je la serrait contre mon cœur. Je voulais endurer encore des centaines de fois ce cauchemar, rien que pour me réveiller avec lui à côté de moi après. Les larmes ruisselaient encore. Je me rendis compte que ma voix était... Assez mélodieuse... Et je compris que dans les cas ou ma peur envahissait mon corps, je pouvais parler... Une petite voix fluette, mais douce... C'était comme ça que je voyais ma voix... Bien que là, elle soit brisée par le chagrin de perdre son frère...